Tout le monde s’accorde aujourd’hui pour dire qu’il est nécessaire d’employer du papier recyclé afin de freiner la déforestation. De premier abord, le livre électronique semblerait donc être une excellente alternative et éviter ainsi une catastrophe. Il est censé assurer une croissance verte et une dématérialisation des échanges. Alors, plus de papier, plus de déforestation ? Pas si simple. Malgré la logique et les idées reçues, il ne faut surtout pas se leurrer sur le potentiel écologique du support numérique. Voici pourquoi.
L’utilisation des matières premières : qui est le moins gourmand ?
Pour ce qui est des matériaux nécessaires, l’ebook est vorace. Plus d’eau, plus de minéraux et quelques métaux lourds pour sa création, cela ne fait pas le poids face au processus simple de fabrication du papier.
Sylvain Angerand, chargé de campagne Forêt aux Amis de la Terre France, l’explique : « Les produits technologiques nécessitent l’extraction de minerais précieux comme le coltan, le lithium ou les terres rares pour accroître la durée de vie des batteries, augmenter leur rapidité ou pousser la miniaturisation à l’extrême. Or l’exploitation minière est une cause majeure de déforestation et plus généralement de destruction des écosystèmes ».
En République Démocratique du Congo, l’extraction du coltan alimente des conflits armés sanglants. Après les téléphones portables, du sang dans nos ebooks ?
D’un autre côté, on a des livres qui demandent beaucoup, en terme de qualité d’image (BD, livres d’art…) et donc vont s’avérer plus demandeurs de ressources, et donc moins verts…
Le recyclage, responsable ou anarchique ?
Question plus problématique, le recyclage de l’un ou l’autre… Dans l’hypothèse d’un recyclage respectueux (malheureusement peu répandu actuellement), le matériel informatique restera toujours problématique, mais coûtera bien moins cher en termes écologiques. Mais si l’on retrouve dans une déchetterie son lecteur, alors l’impact sur l’environnement est simplement désastreux. Or, dans les faits, le recyclage du matériel informatique est loin d’être généralisé ou maîtrisé.
Autre souci, fortement lié à la présence de DRM (Digital Rights Management), les ebooks ne peuvent pas toujours se revendre, contrairement aux livres papier. Même pour une valeur dérisoire, ces derniers trouvent toujours acquéreur (il n’y a qu’à flâner chez Gibert), quand l’ebook peut être associé à un seul et unique support de lecture, devenir inutilisable et donc invendable.
Quant au papier, il est recyclable. Pas infiniment bien sûr mais, contrairement à une idée reçue, les invendus qui finissent au pilon sont recyclés.
L’impact écologique de l’ebook : effrayant !
Selon les calculs, l’impact d’un lecteur ebook serait celui de 40 à 50 livres papier, uniquement si l’on parle de consommation énergétique, de combustibles fossiles et d’eau nécessaires à sa création. Pour ce qui est du réchauffement climatique, un livre électronique vaudrait le dégagement de 100 livres papier. Et pour les conséquences sur la santé, on serait entre 50 et 100 livres papier pour un ebook.
Pour le SNE (Syndicat National de l’Edition), le livre papier est bien plus écologique que le livre numérique. Le SNE se base sur une étude commandée par Hachette Livre à la société Carbone 4, au vu de la pollution générée par un ebook, l’utilisateur doit lire au moins 240 livres numériques en 3 ans avec le même appareil pour l’amortir écologiquement parlant. Mais qui a le temps de lire 240 livres ?
Pour « enfoncer le clou », d’après ce même cabinet, il faudrait une quinzaine d’années d’utilisation pour amortir le bilan carbone d’un livre électronique ! Cependant, l’ebook, selon la logique marketing, est conçu pour être remplacé au bout de quelques années pour un nouveau produit plus performant. Et ainsi de suite… Pour mieux se rendre compte, c’est comme si vous restiez aux cassettes VHS malgré l’apparition des DVD. Le monde des nouvelles technologies évolue tellement vite…
Une consommation plus intelligente du papier
Néanmoins, il ne faut pas non plus dresser un portrait idyllique du papier. Sa surconsommation a de nombreuses conséquences écologiques et sociales dans les pays du Sud. Mais il ne faut pas se tromper de cible : l’enjeu prioritaire est la réduction des imprimés publicitaires et du suremballage qui nuisent à la bonne réputation du papier.
De plus, si les éditeurs souhaitent réduire l’impact environnemental de leurs produits, une solution existe : le papier recyclé, dont la fabrication nécessite moins d’eau et moins de bois que le papier issu de fibres vierges. D’autant plus que les deux principaux systèmes de certification des fibres vierges (PEFC et FSC) sont actuellement impliqués dans de nombreux scandales écologiques et sociaux.
Enfin, il importe de maintenir l’activité de prêt des ouvrages papier par des bibliothèques et de soutenir le réemploi des livres (bouquinistes, Emmaüs…). Vous voyez votre bibliothécaire vous prêter un ebook ? Peut-être dans plusieurs années…
L’énergie, le cœur de la lecture électronique
Le lecteur électronique nécessite une quantité certes très faible d’énergie, mais elle ne sera jamais celle du livre. Si l’industrie recherche encore des moyens d’économiser plus encore sur l’énergie, ce combat ne sera jamais équilibré. D’ailleurs, plus l’ebook aura du succès, plus le secteur pèsera sur la demande en électricité malgré la faible consommation de chacun.
La menace du « cloud computing »
Greenpeace nous met en garde contre ce système qui consiste à nous permettre d’accéder à nos contenus favoris sur les serveurs des entreprises qui les héberge. Le streaming vidéo, la sauvegarde en ligne de données, l’hébergement de photos… Sont la face la plus visible de l’iceberg. Or, ce qui se prépare dans le domaine de l’ebook est du même type. Non seulement les énormes catalogues nécessiteront de gros serveurs très gourmands en énergie, mais en plus les solutions « cloud computing » comme celles prévues par Google ou iBis reader , dans lesquelles votre fichier sera stocké en ligne, et donc lisible depuis n’importe quel appareil, générera une consommation record. Alors, bien entendu, un livre numérisé pèse bien moins lourd que les vidéos ou les photos haute définition, mais c’est tout de même une pierre de plus à l’édifice.
Alors, qu’en est-il ? Le papier est donc plus écologique que le numérique ? A l’heure actuelle, en effet : la feuille de papier est plus verte que sa petite sœur dématérialisée. Mais ce constat s’applique uniquement pour les livres ! En même temps, nous n’en sommes qu’aux premiers balbutiements des lecteurs électroniques. Il est possible que les technologies de demain offrent d’alléchantes opportunités écologiques. Le débat n’est donc pas vraiment clos. L’apprentissage et l’utilisation d’un nouveau produit, qui plus est révolutionnaire, se juge dans le temps.
Mais le pollueur n’est pas vraiment l’ebook, c’est nous ! Jongler entre ses livres et ses feuilles numériques est possible si nous sommes suffisamment sensibles au problème de la sauvegarde de l’environnement et que nous achetons intelligemment sans tomber dans le piège du consumérisme qui nuit, depuis 50 ans, à la bonne marche de notre planète.
Pour se détendre après cet article dérangeant… Paper Mail VS Terrific Numeric :
[…] de publicités dans les textes, la censure, le piratage, les droits d’auteurs, l’écologie électronique, etc. Lors d’une conférence à Lake Tahoe (Californie) en août dernier, […]
By: CELIC » Les futurs du livre on septembre 17, 2010
at 12:38
Je ne me baserais pas sur une étude commanditée par des éditeurs traditionnels pour en conclure à l’innocuité du livre papier comparé à un ebook. Par exemple, est-ce qu’ils ont pris en compte le blanchissement du papier (au chlore?), le problème des encres très polluantes et difficiles à enlever au moment du recyclage, l’énergie consommée par les rotatives et leur fabrication, le transport des bouquins physiques…? Difficile d’être objectif quand on est juge et partie et qu’il est question de gros sous, l’ebook étant une menace pour leur modèle économique traditionnel.
Cela étant dit, le livre papier reste certainement moins polluant que sa version électronique, et je ne parle même pas de l’ordinateur nécessaire au transfert des fichiers. Un livre papier a une durée de vie pour ainsi dire infinie comparée à un livre électronique, lequel a le mauvais goût d’être en plus peu recyclé; et en plus de ça, il change beaucoup plus de mains qu’un ebook, ce qui optimise d’autant sa création. A mon avis, il n’y a effectivement pas photo entre les deux.
By: Laura Dove on décembre 2, 2010
at 9:23